Dimanche 8 septembre 2019
23ème dimanche du temps ordinaire, année C
« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice »
Le Seigneur a dit : Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Cette
faim n’a rien de corporel, cette soif ne désire rien de terrestre. Elles aspirent à être rassasiées de
justice et, lorsqu’elles ont été introduites dans le secret de tous les mystères, elles souhaitent être
comblées du Seigneur lui-même.
Heureuse l’âme qui convoite cette nourriture et qui brûle de désir pour une telle boisson : elle n’y
aspirerait pas si elle n’avait déjà goûté quelque chose de sa douceur. Elle a entendu l’Esprit qui
fait parler les prophètes, quand il lui disait : Goûtez et voyez comme le Seigneur est doux ! Alors
elle a reçu comme une parcelle de la douceur d’en haut, elle s’est enflammée d’amour pour cette
volupté très pure. Aussi, méprisant tous les biens corporels, elle a brûlé de toute son ardeur pour
cette nourriture et cette boisson de la justice, et elle a saisi la vérité de ce premier
commandement qui dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit et
de toute ta force. Car aimer Dieu n’est rien d’autre que désirer la justice.
Enfin, de même que le souci du prochain se rattache à l’amour de Dieu, ainsi la vertu de
miséricorde s’unit à ce désir de la justice, si bien qu’il est dit : Heureux les miséricordieux, car ils
obtiendront miséricorde !
Reconnais, chrétien, la valeur de ta sagesse ; comprends à quelles récompenses tu es appelé, et
par la pratique de quels enseignements tu les obtiendras. La Miséricorde veut que tu sois
miséricordieux ; la Justice, que tu sois juste, afin que le Créateur apparaisse dans sa créature et
que, dans le miroir du cœur humain, resplendisse l’image de Dieu exprimée par les traits qui la
reproduisent. Ta foi peut être assurée, si elle s’accompagne de la pratique : tout ce que tu désires
viendra à ta rencontre, et tu posséderas sans fin ce que tu aimes.
Et parce que tout est pur pour toi grâce à ton aumône, tu parviendras aussi à la béatitude que le
Seigneur promet ensuite lorsqu’il dit : Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ! Quelle
grande félicité, mes bien-aimés, pour laquelle est préparée une telle récompense ! Qu’est-ce
donc qu’avoir le coeur pur, sinon s’appliquer aux vertus qui viennent d’être énumérées ? Voir
Dieu, quel esprit peut concevoir, quelle langue peut exprimer une telle béatitude ? C’est
cependant ce qu’on obtiendra lorsque la nature humaine sera transformée : ce ne sera plus
comme une image obscure, dans un miroir, mais face à face, qu’elle verra, telle qu’elle est, la
divinité que nul être humain n’a jamais pu voir. Et alors, ce que personne n’avait vu de ses yeux ni
entendu de ses oreilles, ce que le cœur de l’homme n’avait pas imaginé, elle le possédera dans la
joie indicible d’une éternelle contemplation.
Sermon de Saint Léon Le Grand sur les béatitudes