Jean Lambert-Rucki (1888-1967)
Prenant naturellement sa place parmi celle des artistes qui participèrent aux grandes aventures du 20e siècle, l’œuvre de Jean Lambert-Rucki est aujourd’hui très recherchée et internationalement reconnue sur le marché de l’art. Son parcours créatif est celui d’un novateur épris de modernité et de liberté et son œuvre, extrêmement originale et personnelle, celle d’un homme cultivé, passionné de recherches et d’expériences.
Né à Cracovie (Pologne) le 17 septembre 1888, Jean Lambert-Rucki se refusa toute sa vie à une quelconque compromission mercantile. S’il reçut sa première formation à l’école des Beaux Arts de sa ville natale, où il fut le condisciple et l’ami de Moïse Kisling, c’est en voyageant à Moscou, Petrograd, Kiev, Vienne et Salzbourg tout en s’essayant à des portraits de commande pour payer ses séjours qu’il perfectionna l’enseignement de son maître Joseph Pankiewicz.
Une exposition des œuvres de Paul Gauguin visitée à Cracovie décida de son séjour à Paris
Arrivé en février 1911, il partagea avec d’autres artistes polonais la vie d’aventures et de recherches des peintres et sculpteurs de Montmartre et de Montparnasse. Occupant un atelier avec Amadeo Modigliani et fréquentant l’académie Colorossi, il se consacra plus spécialement à la sculpture sur bois. Engagé dans l’armée française en 1914 à la suite de l’appel aux volontaires étrangers de Blaise Cendrars, il fut envoyé sur le front des Dardanelles avant de se retrouver à Salonique où il travailla à la restauration de mosaïques byzantines en compagnie d’autres artistes tels que Miklos, Csaky, Jouve et bien d’autres. A travers la magnificence de leurs couleurs et le hiératisme de leurs compositions, marquant définitivement son œuvre d’une rigueur parfaite, son érudition raffinée et sa sensibilité pleine de curiosité y trouva matière à se développer et à s’enrichir. Dès 1913, il avait exposé au salon d’Automne. Après la guerre, il participera à ce même salon et à celui des Indépendants tout en présentant ses œuvres à la Galerie de la Boétie en tant que membre de la « Section d’or ».
Sa rencontre avec Jean Dunand en 1923 fut déterminante
Exécutant pour lui des projets de décor, elle lui permit de développer un aspect « décoratif » de son œuvre, dont il ne souhaitait pas à l’époque tirer avantage. Son nom n’apparaît d’ailleurs que rarement aux côtés de celui du maître laqueur qui l’associe néanmoins à ses présentations dans le cadre des expositions de groupe à la Galerie G. Petit. Outre de nombreux sujets de paravents et panneaux à motifs géométriques ou animaliers, d’autres projets mettaient en scène des silhouettes de couples noctambules ou de charmants petits personnages à gibus ou chapeaux melons. Parallèlement, on lui doit le décor du bahut monumental de Jacques-Emile Ruhlmann à décor de chiens et de hérisson du Pavillon du collectionneur à l’exposition des arts décoratifs et industriels modernes de 1925. Aux côtés du « Bonhomme Lambert », sorte de sculpture animée à transformation exposée au Pavillon de la lumière en 1937, la présentation de bijoux exécutés par Jean Fouquet d’après les dessins de Jean Lambert-Rucki fut un des événements de la joaillerie française de cette manifestation. Membre fondateur de l’UAM il participa jusqu’à la guerre à toutes leurs manifestations.
Vers la fin de sa vie, n’ayant plus de moyens financiers suffisants pour faire fondre ses sculptures en bronze ni même pour acheter de la tôle, il finit par les modeler en plâtre, accrochant avec audace sur des armatures en fer forgé des figures oniriques pleines d’irrévérence, ou des animaux domestiques, ânes, chiens et bœufs, curieusement transformés en gente fantastique en les associant à des personnages clownesques.
Félix Marcilhac